Hors-Série : Les coulisses de "Silicon F***ing Valley", le docu d’Arte où Luc Julia explore les origines de la tech
Entretien avec Pierre Schneidermann, co-auteur de la série documentaire où Luc Julia, créateur de Siri, nous guide en Tesla à travers la Silicon Valley, mêlant anecdotes, révélations et franc-parler !

3ème publication ce mois-ci pour IA, Tech & Travel Café ! Mais je ne pouvais pas attendre janvier pour partager cette interview un peu différente de d’habitude. Le sujet peut sembler éloigné du tourisme mais il illustre bien la raison d’être de cette newsletter : partager ma passion pour le digital, la tech… et surtout prendre plaisir !
Et c’est exactement ce que j’ai ressenti en regardant Silicon F***ing Valley ! Cette série documentaire d’Arte, sortie en novembre dernier, nous plonge dans les coulisses de la tech, à la découverte des origines d’Apple, Google, HP ou Meta, guidés par un Luc Julia1 en grande forme !
Avec plus d’un million de vues sur YouTube, ce documentaire a touché un large public, bien au-delà des cercles tech. Ça m’a tellement plu que je n’ai pas pu résister à l’envie de contacter Pierre Schneidermann, co-auteur du documentaire avec Baptiste Giudicelli, pour en savoir plus sur la genèse et les coulisses de cette série assez unique.
J’espère que ce petit cadeau de Noël avant l’heure vous plaira 🎄
Bonne lecture :)
Nicolas
Nicolas : Salut Pierre, merci d’avoir trouvé un petit moment pour discuter. Franchement, ton documentaire, il est juste dingue ! C’est hyper captivant.
Pierre Schneidermann : Merci Nicolas, ça fait super plaisir ! On y a mis beaucoup d’énergie, donc voir qu’il parle aux gens, c’est vraiment top. On voulait vraiment offrir quelque chose de différent, une plongée dans les coulisses de cet endroit mythique, mais sans en faire un discours trop institutionnel. C’est du vécu, de l’humain, et si ça touche les gens, c’est gagné pour nous.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire ce documentaire sur la Silicon Valley ?
Avec Baptiste, mon co-auteur, on a toujours été passionnés de tech. On travaillait ensemble chez Konbini, où on avait déjà réalisé une centaine de vidéos sur le sujet. Mais à un moment, on a senti qu’on avait fait le tour du format court. En 2018, on a interviewé Luc Julia pour la première fois. Il nous a raconté l’histoire incroyable de Siri, et on a tout de suite vu que ça plaisait au public. On l’a revu ensuite à Paris pour un autre sujet, et à force de discussions, l’idée d’un documentaire dans la Silicon Valley est née. On voulait raconter cette région qui fait rêver, mais avec un regard un peu différent, en y mêlant des anecdotes et des lieux emblématiques.
Et comment s’est passée cette première rencontre avec Luc Julia ?
C’était dans la Silicon Valley, justement. On avait pris contact avec lui pour une interview chez Konbini, et il avait accepté. Dès le début, on a accroché. Luc a ce côté très accessible et cash, qui le rend hyper intéressant à interviewer. Il a partagé des histoires incroyables sur son parcours, comme celle où il raconte la genèse de Siri. Il est aussi super drôle, ce qui rend chaque échange avec lui vraiment vivant. On a tout de suite su qu’on tenait quelqu’un d’unique pour un projet comme celui-ci.
Combien de temps a duré le tournage, et dans quelles conditions ça s’est déroulé ?
On a tourné pendant 12 jours en novembre de l’année dernière. C’était très intense parce qu’on voulait capturer un maximum de lieux et d’interactions dans un temps limité. On avait préparé une liste de lieux avec Luc, mais il y a eu pas mal d’improvisation aussi, comme la visite de la cave de CuriousMarc2 (2ème épisode). Après le tournage, il nous a fallu presque un an pour finaliser le documentaire, dont 10 mois consacrés exclusivement au montage. Ce long processus nous a permis de vraiment affiner le rythme et la narration.
On connaît le franc parler de Luc Julia. Dans le documentaire, il est vraiment très naturel et sans filtre. Est-ce que c’était prévu dès le départ, ou est-ce que ça s’est imposé pendant le tournage ?
Honnêtement, c’était un mélange des deux. On savait que Luc était cash et qu’il ne mâchait pas ses mots. C’est quelque chose qu’on voulait préserver, car c’est ce qui fait sa force. Pendant le tournage, il a été encore plus naturel qu’on ne l’imaginait. Comme il était souvent en train de conduire sa Tesla, il oubliait parfois la caméra et se lançait dans des anecdotes incroyables, parfois même assez critiques. On n’a pas cherché à le brider. Au contraire, on voulait capter cette authenticité qui reflète bien le personnage.
La Tesla de Luc Julia joue d’ailleurs presque un rôle à part entière dans le documentaire. C’était un choix délibéré de filmer ces moments de conversation en voiture ?
Oui, complètement. Dès le début, on s’est dit que la Tesla serait un élément central. D’abord parce qu’elle représente l’innovation et l’univers high-tech de la Silicon Valley. Ensuite, parce que filmer dans une voiture crée une ambiance particulière. Il y a un côté intime : Luc est au volant, il est concentré sur la route, ce qui rend les échanges plus naturels. Et puis, il y a ce contraste amusant entre l’idée classique du road trip, avec des vieilles bagnoles, et cette voiture ultra-tech. Ça ajoutait un petit côté décalé qu’on adorait.

Certaines séquences ont été tournées de manière discrète, voire en caméra cachée. Pourquoi ce choix, et quelles anecdotes as-tu à partager à ce sujet ?
C’était parfois nécessaire, notamment à Stanford, où on n’a pas eu les autorisations officielles pour tourner. Ils sont très stricts sur ce genre de choses. On a essayé de faire les choses dans les règles en étant sponsorisés par une étudiante sur place, mais même avec ça, on s’est heurtés à un refus. On a donc dû filmer discrètement, avec une petite caméra. Une anecdote marrante, c’est qu’à un moment, Luc nous a emmenés sur le campus avec une nonchalance totale, comme si de rien n’était. Et on a aussi eu des moments où on s’est fait arrêter, notamment sur le parking de Meta, parce qu’on avait sorti une grosse caméra. Heureusement, la plupart du temps, on passait sous le radar avec notre matériel léger.
Avec un format aussi court, comment avez-vous sélectionné les moments à garder et ceux à couper parmi des heures de rush ?
On avait environ 40 heures de rush, sans compter les images des GoPro qu’on avait fixées sur la Tesla. Le tri a été un travail titanesque. On a utilisé une méthode qu’on pratiquait déjà chez Konbini : coder les séquences avec des couleurs selon leur pertinence. Le jaune pétant, c’était pour les moments indispensables. Ensuite, on déclinait avec des teintes moins vives pour les scènes secondaires. L’idée, c’était de garder uniquement ce qui servait la narration et d’avoir un rythme fluide qui capte l’attention du spectateur.
La voix off est un élément important du documentaire. Elle participe énormément au ton dynamique et rend l’ensemble très accessible. Peux-tu m’en dire plus sur ce choix narratif et qui en est l’interprète ?
C’est Baptiste Giudicelli, mon co-auteur, qui s’en est chargé. On a d’abord envisagé de faire appel à une voix plus connue, mais on n’a pas trouvé quelqu’un qui correspondait vraiment à l’esprit du projet. Baptiste avait déjà fait des voix off pour de petites vidéos chez Konbini, alors on s’est dit : pourquoi pas ? Il a dû faire plusieurs essais, car ce n’est pas son métier, mais au final, ça fonctionne très bien. Sa voix apporte une touche personnelle et authentique qui colle parfaitement au ton qu’on voulait donner.
Quelle était ta perception initiale de la Silicon Valley avant d’y aller, et a-t-elle changé pendant le tournage ?
Avant d’y aller, on avait cette image un peu clichée d’un endroit futuriste, hyper innovant. Et en arrivant, on a découvert une réalité plus contrastée. San Francisco, par exemple, est une ville magnifique, mais la Silicon Valley elle-même a un côté beaucoup plus pragmatique et parfois désenchanté. On a aussi été frappés par les inégalités criantes entre ceux qui travaillent dans la tech et les autres. Ce contraste a beaucoup nourri notre réflexion tout au long du tournage.
Votre format a captivé un public très large, même des non-geeks comme mon fils de 12 ans ! Comment expliques-tu ce succès transversal ?
Je pense que c’est un mélange de plusieurs choses. D’abord, le ton accessible. On a voulu éviter le jargon technique pour que tout le monde puisse suivre. Ensuite, le rythme du montage, hérité de nos années chez Konbini, qui capte l’attention des jeunes. Enfin, Luc Julia lui-même, avec sa personnalité décalée et ses anecdotes, apporte une dimension humaine qui parle à tout le monde, geek ou non.
Justement, ce rythme très dynamique, hérité de Konbini, a-t-il affecté la manière dont le public a réagi ?
Oui, totalement. Ce rythme plaît beaucoup aux plus jeunes, qui sont habitués aux vidéos web. Ça nous a permis de toucher un public large, y compris des ados comme ton fils, par exemple. Mais on a aussi eu des retours de personnes un peu plus âgées, disons au-delà de 50 ans, pour qui ce montage très rythmé peut être déroutant. C’est une question d’habitude : si on n’est pas familier avec ce type de format, ça peut sembler trop rapide, voire manquer de sérieux. On comprend cette critique, mais on assume ce choix car il correspond à notre style et à notre envie de rendre le sujet accessible.
J’ai adoré le documentaire mais j'ai regretté parfois qu’il n’aille pas plus en profondeur sur certains sujets comme sur les inégalités sociales par exemple.
Était-ce une limite imposée par le format ou un choix éditorial assumé ?
C’est une critique récurrente qu’on accepte complètement. On savait, en choisissant un sujet aussi vaste à traiter en 6 épisodes de 12 minutes, qu’on survolerait beaucoup de choses. On a fait ce choix pour offrir un documentaire accessible et rythmé, en ciblant la découverte plutôt qu’une analyse approfondie ou politique. En contrepartie, certains spectateurs auraient aimé qu’on creuse davantage, par exemple sur les inégalités sociales ou les impacts environnementaux. Mais nous avons voulu garder une approche plus généraliste, en nous concentrant sur ce qui fait la spécificité de la vallée, tout en touchant un public jeune et moins habitué à ce type de contenu.
Envisages-tu une suite à ce documentaire ou un autre projet dans le même thème ? Si oui, que voudrais-tu explorer davantage ?
Beaucoup de gens nous demandent une suite, mais on n’a pas encore trouvé le bon angle. Si on retourne dans la Silicon Valley, ce serait pour raconter une histoire plus ciblée, sur un sujet précis. Sinon, avec Baptiste, on réfléchit à d’autres documentaires sur la tech, toujours avec cet esprit d’accessibilité et d’authenticité.
On termine avec une question récurrente d'IA, Tech & Travel Café : Comment utilises-tu l’IA au quotidien et est-ce un outil ou un sujet de réflexion pour toi ?
Pour l’instant, je suis assez sceptique. J’ai testé des outils comme ChatGPT pour des idées de formats ou de sujets, mais ça ne m’a pas convaincu. Je trouve encore plus efficace de réfléchir moi-même ou de chercher sur Google. Cela dit, je reste curieux. Je pense que l’IA a un potentiel énorme, mais je ne suis pas encore au stade où elle fait partie intégrante de mon quotidien.
Merci beaucoup Pierre, c’était vraiment passionnant ! On attend tes prochains projets avec impatience :)
Merci à toi ! Toujours un plaisir d’échanger, à bientôt !
Où regarder la série ?
Sur Arte
👉 Le documentaire est accessible en replay sur le site d’Arte
Sur Youtube
👉 Et vous pouvez également visionner tous les épisodes directement sur Youtube
A PROPOS DES AUTEURS
Qui est Pierre Schneidermann ?
Pierre Schneidermann est un journaliste passionné de tech, auteur et réalisateur français. Après des études de philosophie et d'allemand, il s’est orienté vers le journalisme et les nouvelles technologies. Pendant 7 ans, il a occupé des postes clés chez Konbini, passant de journaliste tech à rédacteur en chef, puis directeur adjoint de la rédaction vidéo. C’est dans ce cadre qu’il a proposé et co-réalisé Silicon F***ing Valley.
Depuis, Pierre a rejoint Les Échos en tant que responsable vidéo. Sa mission : développer une véritable identité audiovisuelle pour ce média économique, tout en poursuivant son engagement pour une information accessible et de qualité.
👉 En parallèle de son travail journalistique, il a également publié son premier roman, Mission Sofia, en avril 2024 aux Presses de la Cité.
Baptiste Giudicelli
Baptiste Giudicelli est un journaliste et réalisateur français, passionné par les nouvelles technologies et le gaming. Ancien journaliste-reporter d'images (JRI) chez Konbini, il a réalisé de nombreux reportages mêlant innovation et culture numérique. En collaboration avec Pierre Schneidermann, il a co-réalisé le documentaire Silicon F***ing Valley. Depuis, Baptiste poursuit sa carrière en tant que créateur de contenu indépendant, partageant sa passion pour la tech sur diverses plateformes.
👉 Voir sa chaîneYouTube : @bonjourbaptiste
Retrouvez l’entretien que j’avais eu avec Luc Julia dans IA, Tech & Travel Café :
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— Nicolas
Luc Julia est ingénieur français, co-créateur de Siri, que j’avais eu le plaisir d’interviewer il y a quelques mois.
CuriousMarc, de son vrai nom Marc Verdiell, est un ingénieur et collectionneur basé dans la Silicon Valley. Ancien chercheur aux Bell Labs et Fellow chez Intel, il a fondé plusieurs startups spécialisées dans les communications par fibre optique. Détenteur de plus de 60 brevets et auteur de plus de 100 publications scientifiques, il partage sa passion pour la restauration de technologies vintage sur sa chaîne YouTube.